Évasion, galère et poésie

Kicks et Comics, octobre 2019

On avait déjà découvert Henri Michaux et sa motocyclette dans le dernier roman de Luc Chomarat « Un petit chef d’œuvre de littérature »  (Marest éditeur).

 

 

On connaissait aussi ces vers

 

Quand les motocyclettes rentrent à l’horizon

 

La seule chose que j’apprécie vraiment, c’est une motocyclette. Oh ! Quelles jambes fines, fines ! A peine si on les voit.

 

Et pendant qu’on admire, déjà, tant elles sont rapides, elles regagnent prestement l’horizon qu’elles ne quittent jamais qu’à grand regret.

 

C’est ça qui fait rêver ! C’est ça qui fait pisser les chiens contre le pied des arbres ! C’est ça qui nous endort à tout le reste, et toujours nous ramène, recueillis aux fenêtres, aux fenêtres, aux fenêtres aux grands horizons.

 

(Plume précédé de Lointain intérieur - Gallimard Poésie)

 

 

On connait maintenant Henri Michaux motard avec l’album "Visa Transi"t de Nicolas de Crécy. Il s’agit en fait de la relation d’un voyage qu’entreprirent Nicolas de Crécy et son cousin Guy au volant d’une vieille Citroën Visa qui pourrissait chez un oncle. Une épave que Nicolas et Guy retapèrent pour aller au bout du monde…  du moins celui que la Visa connaitrait. Soit clair, c’est jubilatoire. Et la moto n’y a pas vraiment sa place si ce n’est sous le cul de Michaux. Non pas Pierre Michaux, le premier créateur du vélocipède à moteur, ancêtre de tous les deux-roues motorisés, non non ! Henri Michaux, le poète déglingué, l’écrivain surréaliste et le peintre génial, belge de surcroit mais d'expression française. Car Michaux aimait la motocyclette.

 

Ceci dit, parlons de l’album quand même, puisqu’on y est. Je l’ai dit, c’est jubilatoire car il s’agit d’un voyage avec toutes les péripéties que vous pouvez imaginer lorsqu’on est véhiculé par une bagnole pourrie, d’autant qu’elle devait franchir le rideau de fer qui démembrait alors l’Europe. C’est vivant avec toutes ces improbables rencontres humaines qu’un tel engin peut provoquer. Et c’est prenant par les anecdotes ou les souvenirs que le voyage provoque. C’est en outre diablement orchestré et le dessin, trait comme couleur, est tout simplement splendide. Certains portraits font penser à Crumb. Vous voyez l’admiration que j’y porte. Un seul défaut, la présence un peu lourde de la vierge…qui les accompagne jusqu’aux rives bulgare de la Mer Noire. Heureusement Michaux réapparait, toujours sur sa moto, et exit la Vierge. La suite sera à suivre.

 

Nicolas de Crécy "VISA TRANSIT" Volume 1. Gallimard bande Dessinée

             


A l'origine des Harley-Davidson

Kicks et Comics, juin 2018

Colin Wilson, l’héritier de Giraud, revient aux grands espaces américains et à un faux frère du Lieutenant Blueberry, dont il avait par la passé adapté la jeunesse. Cela s’appelle « L’étoile solitaire » et il s’agit du premier tome d’une nouvelle série titrée Névada. Et notre héros a troqué le cheval pour une Harley-Davidson comme le montre la splendide couverture de cet album. Cela nous vaut quelques magnifiques planches au trait maitrisé et classique. La toute première, revisitant Monument Valley est d’une beauté à couper le souffle.

 

Un western qui retrace la fin de la rué vers l’or et le début du cinéma hollywoodien. Nevada Marquez est un enquêteur  chargé par une productrice de cinéma de retrouver un acteur disparu. Fred Duval et Jean-Pierre Pécau, des valeurs sûres de l'aventure dans l'ouest américain nous ont concocté un scénario qui fait la part belle à la Harley au cœur de paysages grandioses. Il faut également souligner le magnifique travail du coloriste Jean-Paul Fernandez, même si une édition est proposée en noir et blanc. Et c’est édité par Delcourt.

 


LES BIKERS ONT DU CŒUR

Kicks et Comics, Mai 2018

Il est des types qui ont du cœur. Ceux qui suivent régulièrement les clubs de motards sur les réseaux sociaux, le savent bien, car il n’y a guère de virée (plutôt que d’arsouille) sans que ce soit au bénéfice d’une association caritative.  Mais il y a d’autres moyens de venir en aide à des gens qui luttent contre diverses maladies ou pour des gens dans le besoin et la mouise.

 

Il y a par exemple les livres ; et voici l’occasion de vous faire plaisir, vous qui aimez la BD.

 

 

Tout a commencé lorsque Jean-Marc Héran s’est décidé à répondre à la demande de Jeff Naudey, président de l’association "HD Le Plaisir - Aide aux enfants malades", qui lui demandait de réaliser un album au profit des enfants malades. Enthousiasmé par l’idée mais déçu de ne pouvoir s’y consacrer pleinement à titre personnel, il s’est  décidé à faire appel à ses confrères dessinateurs et dessinatrices.  Invoquant la générosité de chacun et évoquant la gratuité de l’opération, il s’attendait à un retour positif d’une vingtaine, voire d’une trentaine d’auteurs. La réalité a très largement dépassé ses espérances : ils sont près de 80 à avoir répondu présent !

 

« Des connus, des très connus (Margerin, Edika, Mandryka...), des pas connus du tout, des inattendus... » dit-il.

 

 

 

L'éditeur Alain Guillo, directeur des  éditions  " Un  Point  C’est  Tout ! " ne fut pas en reste puisqu'il a pris en charge le côté éditorial et comme tous les autres protagonistes de l'affaire, n'a tiré aucun profit de ce livre. Donc L’intégralité  des  bénéfices  ira  aux  actions  de  l’association « HD Le Plaisir » pour les enfants malades.

 

 

Je vous invite donc à vous procurer de toute urgence cet album. On y trouve plein de beaux mondes, un peu de tout - des dessins, des strips, voir quelques courtes BD – tout cela sous la bannière de la moto. Et de la générosité.

 

Pour mémoire, l’association HD le plaisir est une association loi 1901 d’aide à l’enfance malade. Créée en 2006 elle a pour but d’apporter un véritable soutien financier et moral aux familles et enfants malades. Ils organisent divers événements afin de récolter des fonds pour aider à financer du matériel ou des soins médicaux coûteux mais indispensables pour le bien-être des enfants. Ils  soutiennent en outre moralement les enfants et les parents qui traversent des moments plus que difficiles, en les mettant au centre de nos événements et de notre attention.

 

CA coûte 19 euros, port compris... Alors franchement, précipitez-vous c'est ici que ça se passe.

Patrick Mai 2019

 


Kicks et Comics, décembre 2018

 

RYUKO aux Lézard Noir

 

Des jolies motardes maniant aussi bien leur bécane que le flingue ! Yakuza, coup d’état, détresse, vengeance, survie, triade, chaos et j’en passe… les êtres se déchirent à tel point qu’il est difficile de trancher entre le bien et le mal de ce bien sombre manga. Ça part quelque peu dans tous les sens. Et si graphiquement c’est superbe, la confusion - thème même de l’histoire - se prolonge dans la narration… Nous attendons vos lumières !

 

Série initiée en 2011, Ryûko est un gekiga (manga pour adulte) en 2 volumes de Eldo YOSHIMIZU aux éditions Le Lézard Noir

 

 

 

            


Kicks et Comics, octobre 2018

LINCOLN HIGHWAY 750 chez URBAN GRAPHIC

On ne présente pas Bernard Chambaz, journaliste et écrivain dont les œuvres ont été primées par le Goncourt, le prix Paul Vaillant-Couturier, le prix Apollinaire, le prix Louis-Guilloux, le prix Louis-Nucera, Le Roland de Jouvenel de l'Académie française et le Grand prix de littérature sportive. Et maintenant auteur de BD avec Stéphane-Yves Barroux, le dessinateur jeunesse de renom. Un road movie impromptu à travers les États-Unis. A New York pour disputer le marathon de New York, un message laconique de sa belle lui signifie leur rupture. Une vieille moto en vente le décide à tout quitter et quel meilleur remède que de tracer la route pour oublier son désespoir. On le suit alors le long de cette route Lincoln que traverse de part en part les USA, au fil de ses rencontres, de ses souvenirs et réflexions, et de sa découverte des mythes d’une Amérique pas aussi légendaire qu’on pourrait le croire. La moto procure une renaissance du personnage, ce qui n’étonne pas vraiment les molars.

Barroux connait bien les Etats-Unis puisqu’il y a exercé une brillante carrière d’illustrateur presse et jeunesse. Il y a travaillé pour de nombreux magazines, comme le New-York Times, Washington Post, Forbes et y a publié plusieurs ouvrages pour enfants, notamment chez Vicking Penguin Putnam Books. En France il est surtout connu pour ses albums jeunesse chez Flammarion. Il s'est déjà exercé à la BD avec « Alpha » sous titré « Abidjan-Gare du Nord », sur un magnifique scénario de Bessora qu’a édité Gallimard.

 

En tous cas, il s'agit là de sa deuxième collaboration avec d’illustres auteurs puisqu’il avait déjà travaillé sur "Des chauves-souris, des singes et des hommes" toujours chez Gallimard avec un autre prix Goncourt, à savoir Paule Michèle Constant qui l'avait gagné en 1998 pour « Confidence pour confidence ».

Ceci dit, on reste un peu sur sa faim. Si l’album possède bien une atmosphère, on aurait aimé s’y baigner un peu plus longtemps. Cela fait penser à un carnet de croquis pris sur le vif d’un voyageur essentiellement tourné sur lui-même, ne prenant guère le temps d’approfondir les lieux qu’il traverse.

 


Kicks et Comics, Printemps 2018

 

Ce n’est pas vraiment de la BD mais des comics trips, c’est-à-dire quelques cases composant une petite histoire souvent humoristique et dont la dernière case comporte la chute qui soutient bien évidement tout l’esprit désopilant supposé déclaré. L’éditeur Bamboo s’en est fait une spécialité, du moins avec la moto comme personnage sinon principal tout au moins important.

 

En premier lieu, Miss Harley dont le premier tome est paru en 2016 avec Mickaël Roux au scénario et  Philippe Gürel et Arnaud Poitevin au dessin. La série semble désormais se poursuivre toujours avec Philippe Gürel au dessin mais orchestré au scénario cette fois-ci  par Milly Chantilly, l’énigmatique auteure de "Confessions d'un canard sex-toy", que je vous recommande bien qu'on n'y trouve pas de moto...

A quand la parution en album de cette nouvelle complicité ?

Ensuite parlons un peu de Route 66 qui est une nouveauté à paraître en 2019.

Il s'agit d'un comics trip du à Georges Abolin, dans le répertoire du gros-nez et qui relate les aventures de 3 gus des banlieues qui ont décidé de « faire » la route 66.

Et il faut reconnaître pour le peu que j’en ai vu, que ça pas l’air mal fichu tout en évitant les pièges d’une connotation margeliniaire… C’est pré publié dans la revue Fluide Glacial depuis déjà quelques temps et Abolin n’est pas le premier venu.

Comme le titre d’un de ses albums, c’est du travail " Totale maîtrise ". Et j'avoue que j'aime bien le côté dérisoire et iconoclaste de ses motars sur la Mother Road...

Enfin le troisième et dernier, déjà bien connu, « Les fondus de Motos » de Hervé Richez, Christophe Cazenove avec au guidon, pardon, au dessin Bloz, un pilier des illustrations d’humour des revues moto.

Déjà 10 tomes de parus pour cette série et j’’encourage tous ceux qui se précipitaient sur les albums Joe Bar Team de se pencher sur les Fondus de motos.

A noter qu’en dehors des albums parus chez Bamboo depuis 2009, Un best of de ses comics strips publiés dans le magazine Moto-Journal a été publié en 2014.

Après tout ça, vous allez croire que j'ai des intérêts chez Bamboo. Et bien non, Juste cette mission à vous informer, ancrée en moi, comme le pansement auto adhésif du pouce d'haddock. Voilà, c'est tout, mais chers amis de Bamboo, si vous désirez m'envoyer des services de presse sur ce sujet, c'est avec plaisir que je les chroniquerai...


Kicks et Comics, été 2017

Les démons de l’asphalte d’Olivier Quevenne et Yann Cozic aux éditions « Monsieur Pop Corn ».

Un beau petit livre où apparaissent de façon fugace quelques motos. Et pour cause, un gang de motards chasse un camping-car qu’occupent un couple et ses enfants. Des anges de la mort ?  Le bien contre le mal ? Oui en quelque sorte, sauf que l’intrigue repose sur l’ambiguïté des personnages. C’est pas mal foutu, mais les évangélistes et le gore ce n’est pas vraiment mon truc. Par contre, j’ai bien l’impression qu’un nouveau dessinateur de talent vient de voir le jour… Retenez son nom, Yann Cozic (Cliquer sur le nom pour avoir un aperçu de son talent)…

 

 

"Shonan Seven" est un manga créé en 2014 par Shinsuke TAKAHASHI et Tôru FUJISAWA. prépublié dans le magazine Gekkan Shônen Champion. Le cinquième tome de cette série en provenance du Japon vient d’être publié chez Kurokawa. Les motos n’en sont pas le sujet principal mais elles apparaissent assez souvent, et de façon très réaliste. Bastons à tout va entre élèves de différents lycées qui s’affrontent régulièrement lors d’un tournoi (qui donne son nom à la série), mais aussi en dehors et qui, à l’occasion, affrontent la mafia japonaise. Le sexe y a sa place, mais de façon plus suggérée sinon délicate. Soyons clair, c’est souvent cru, pour ne pas dire grossier. Et les motos y sont vraiment accessoires…

 



Et Tintin dans tous ça ?

Kicks et Comics, Printemps 2018

Et bien oui, il y a un lien entre Tintin et la moto. Et pas des moindres ! Attachez bien votre casque ; voici quelques révélations !

Et si un journaliste français, motard de surcroît était en fait le modèle de Tintin ? Une thèse que d’éminents motards soutiennent notamment  depuis la parution en 1996 de l’ouvrage "Sexé au pays des soviets" écrit par Jean-Paul Schulz et préfacé par le prudent Philippe Goddin, secrétaire général et membre du comité d'authentification de la fondation Hergé.

Mais de quoi s’agit-il ?

En 1996 Les éditions du Vieux Château publiaient un bouquin relatant la vie et les incroyables voyages d’un certain Robert Sexé. Son auteur, le dénommé Jean-Paul Schulz, y soutenait avec de solides arguments que Georges Remy, plus connu sous le pseudonyme d’Hergé s’était largement inspiré d’un périple de Sexé en Union Soviétique. En effet, il faut savoir qu’Hergé, qui ne voyageait guère, s’est toujours procuré une solide documentation pour élaborer les scénarii des aventures de Tintin. Lorsqu’il imagina ce personnage aujourd’hui mythique, il n’en fut pas autrement, d’autant qu’il n’a que 20 ans et bien peu d’expérience. Nous sommes donc en 1928 et Hergé a besoin d’un modèle pour façonner son personnage et élaborer son histoire.

 

Or, quelques années plus tôt, le constructeur belge des célèbres motos Gillet-Herstal, désireux de s’implanter en URSS tout en soignant la promotion de ses machines en Europe, a imaginé se lancer dans un raid, à l’exemple de Citroën et de sa croisière noire de la fin 1924 début 1925 qui a un retentissement énorme à cette époque. Pour faire de même, la firme Gillet-Herstal a besoin d’un solide gaillard qui a fait ses preuves sur deux roues et qui côté communication n’est pas du genre taiseux. Robert Sexé, (Prononcer sécé) bien que français, est tout indiqué. Il est reporter globe-trotter, motard émérite, coureur de grand prix, et il vient d’achever un raid motocycliste qui le mena de Paris à Constantinople et retour. Enfin il sait parfaitement écrire, racontant ses périples dans la presse motocycliste et automobiliste comme dans celle des voyages et des découvertes qui s’arrachaient alors dans toute l’Europe.

La proposition lui est faite et, bien entendu, notre aventurier l'accepte... Le périple commence, l'exploit se développe, la légende peut éclore.

Les prouesses du motard sont relatées par le journal « Le Vingtième Siècle » dont le supplément jeunesse, "Le Petit Vingtième" n’est autre que le journal  où Hergé travaille et où il publiera quelques temps plus tard  les premières aventures de Tintin.

Il n’y a pas que les aventures de Sexé que l’on retrouve dans « Tintin au pays des Soviets ». Blond, un visage lisse, une silhouette juvénile, une houpe,  une taille moyenne, des bottes qui retrousse le pantalon à mi-mollet , Sexé présente des similitudes physiques étroites avec Tintin. Dans les versions originales des « Soviets » de Tintin au Congo et en Amérique, le Petit reporter du XXe porte même dans les premières cases, la casquette qu’aimait arborer Sexé lorsqu’il n’était pas en tenue motard.

Autres relations étranges, Sexé, ce nom de 2 syllabes utilisant cette unique voyelle et ce redoublement de sonorités que portent chacun d’eux.  Mieux encore, le compagnon d'aventures, coureur de Grand-Prix et mécanicien de Robert, s'appelait René Milhoux. Seule l'orthographe change entre les inséparables amis de l'homme et du personnage...

Et si Jean-Paul Schulz avait raison ? Après tout, il est le légataire universel de Robert Sexé et ses arguments sont diablement étayés et lorsqu’il nous présente la photo de Robert posant sur la place rouge de Moscou en 1925 on ne peut s’empêcher étrangement de penser à la couverture de Tintin au pays des Soviets.

De toute façon, peu importe que la paternité de Tintin soit attribuée à Sexé plutôt qu’à Hergé car, une fois de plus, la réalité dépasse la fiction et Sexé mérite qu’on le reconnaisse aujourd’hui.

Aujourd’hui, oublié, il me parait important de relater l’histoire de ce motard hors du commun.

Il est né le 17 novembre 1890 à La Roche-sur-Yon en Vendée. Devenu  orphelin très jeune, il est éduqué par son oncle. Il fait ses études au collège des jésuites de Poitiers. En 1907, bac de lettres en poche, après quelques mois à la Sorbonne, il quitte la France pour la Perfide Albion afin de perfectionner son anglais à la London School Economics.

C’est en Angleterre que Robert se décide à passer son permis. Il roule alors sur une Rudge-Whitworth. Qui est en quelque sorte un outil de travail car Robert devenu journaliste au « The Daily Citizen » se déplace continuellement pour ses reportages. Son premier voyage lointain se fera lorsqu’il est nommé correspondant de guerre, et envoyé couvrir la guerre des Balkans pendant les années 1912/1913. Il en profite pour faire une excursion en Turquie

De retour en France, il débute sa carrière de pilote sur les circuits de Fontainebleau et de Bordeaux. Il en profite pour livrer quelques papiers à la revue motocycliste anglaise « Motor Cycling »

 

Lorsque le conflit entre la France et l’Allemagne éclate en août 14, d'aucun le persuade de devenir correspondant de guerre pour la presse. Mais non, il n’en est pas question, Robert veut être au cœur de l'action avec sa Rudge. Il se fait donc enrôler comme engagé volontaire et devient agent de liaison au guidon de sa propre moto. Affecté à un groupe aéronautique allié à Breteuil, il pilote alors des motos anglaises et découvre les Harley-Davidson des troupes américaines. Maitrisant l'allemand depuis le collège, vers la fin du conflit, il est nommé à Neustdast dans le Palatinat comme interprète. C’est là qu’il rencontre Rosy, une belle et jeune allemande qui deviendra son épouse.

Au retour de la guerre, le démon de la course le reprend. Il devient le coureur officiel chez Soyer-Clapson tout en réalisant des piges pour "Moto-Revue". Il possède alors une Norton 16H avec le fameux moteur "Brooklands special". Avec une telle machine, il peut enfin s'attaquer aux courses d'endurance.

En 1924, après nombre de courses et de trophées, il désire retourner en Turquie qu’il avait découvert lorsqu’il couvrait la guerre des Balkans. Il organise alors un périple, Paris-Constantinople et retour. Deux camarades, Krebs et Dumoulin se joignent à lui pour un voyage de près de 8000 kilomètres de routes certes mais bien souvent ravagées voire sur des pistes empierrées. Il roule alors sur sa première Gillet-Herstal. Robert en bon professionnel de la communication, relate l’aventure qui est bien entendu reprise par la presse européenne.

 

L’année suivante, la même équipe remet le couvert. C’est cette foi le fameux périple chez les Soviets, toujours équipé de Gillet-Herstal qui y trouvera son compte car ainsi, la firme belge décrochera de nouveaux marchés en Union soviétique.

Après cet exploit, plus rien n’arrête Robert. Et avec l’appui de Monsieur Léon Gillet, le créateur et patron des motos Gillet-Herstal, il commence à plancher sur ce nouveau périple. Côté technique, l’ingénieur Laguesse du service course conçoit un nouveau prototype de machine répondant aux exigences du défi. Cette fois-ci, il est accompagné par le français Henri Andrieu, un mécanicien de la firme. En juillet 1926, c’est le grand départ sous les yeux d’un vaste public et les flash des photographes de presse. Direction, la Belgique, l’Allemagne, la Pologne et l’Union soviétique à nouveau. Puis, à Vladivostok, on quitte les routes, ou plutôt les bourbiers de Sibérie pour le bateau.

Arrivé au Japon, Sexé rencontre un certain Mister Susuki, qui lancera plus tard la célèbre marque japonaise.

L’Asie quittée, c’est la traversée du Pacifique pour les Etats-Unis qu’ils franchissent sur des routes de terre battue. La célèbre route 66 n’est alors qu’un vaste chantier… De nouveau un repos sur le pont d’un bateau avant d’aborder le Royaume-Uni. Dernière traversée maritime et enfin le retour en Europe, aux Pays-Bas. Le retour sur Paris est triomphal. 22000 Kilomètres ont été parcourus.

 

Qui ne connait alors Sexé ? Il est devenu une icône et même les motards du bout du monde ont entendu parler de son exploit.

En 1928 ; cap au nord. Il devient alors le premier à franchir le cercle arctique en moto.

Le temps passe. Durement touché par la crise des années 30, Gillet-Herstal cesse sa collaboration avec Sexé. Peugeot prend le relais. Il enchaine les raids à travers l'Europe dont il parcourt les routes de tous les pays. Comme en Afrique et au Moyen-Orient.

Puis c’est la seconde guerre mondiale qui le surprend au Liban. Quelques semaines aux services des armées au guidon de Peugeot ou d’Indian, puis c’est le retour en France après l’armistice.

Pendant l’occupation, Robert Sexé a une attitude très ambiguë. Collabo ? Difficile à dire. Il avait certes des accointances avec les allemands mais n'oublions pas que sa femme, qu'il avait épousée au sortir de la première guerre mondiale était allemande. Pendant l’occupation, il hébergea dans sa maison de Saint-Benoit quelques officiers de la Wehrmacht. Collabo ? Peut-être, c’est en tout cas la thèse que défend Jean-Henri Calmon, agrégé de l'université de Poitiers. Taxé d’être un fervent doriotiste anti bolchévique,  son aura médiatique en prendra un sérieux coup. Et ironiquement, il sera à nouveau bien proche– cette fois-ci politiquement - de son double de papier.

Après l’armistice, Sexé continue sa carrière journalistique malgré le silence qui accompagne désormais le personnage. Il n’est plus question de parler de lui. Alors, tant pis, la moto devient alors uniquement un plaisir individuel. Seuls, les motards qu’ils rencontrent dans les différents rassemblements, lui adressent la parole. Alors, tant pis ou plutôt tant mieux. Il y consacre tous ses loisirs, devenant même un fervent participant du rallye des éléphants de nouveau sur une Gillet-Herstal. 

Dans les années 70/80, Robert a plus de 80 ans et est encore sur les routes. Il se cantonne dès lors à quelques regroupements comme ceux de l’Association des Amoureux des Mécaniques Anciennes et toujours le célèbre rallye des éléphants, Les Elephs comme ils disent ;  un rallye si glacial (il est vrai qu’il a lieu le dernier week-end de janvier en Bavière), qu’il rebute encore pas mal de motards. En 1970 ils étaient toutefois plus de 10 000 à rejoindre le circuit du Nurburgring… C’est à cette occasion que l’émission de télévision, les Coulisses de l’exploit, réalise le seul reportage vidéo sur Robert Sexé, que l’on peut visionner encore aujourd’hui sur You Tube.

Robert Sexé est mort en 1986 plus ou moins dans la misère. Mais qu’importe, non ? Sa vie fut sans doute l’une des plus riches qui fut.

Si vous voulez en savoir un peu plus sur le bonhomme, je vous conseille la lecture du bouquin de Jean-Paul Schuls. Ne le commandez-pas à votre librairie préféré, Il est aujourd’hui épuisé, et même difficilement trouvable en occasion, du moins à un tarif abordable. Il est toutefois disponible en numérique soit en version e-book soit en PDF. Vous le trouverez facilement sur le net en lançant une recherche sur Jean-Paul Schulz.

Son souvenir a été évoqué par une Exposition "Robert Sexé au pays de Tintin", lors de l’été 2012 au Dortoir des Moines, à Saint-Benoît. On peut aller également admirer la Gillet-Herstal de ses périples au musée auto-moto-vélo de Châtellerault.

Pour en savoir un peu plus, voici quelques liens

 

 

Pour en revenir à Tintin, il sait bien entendu piloter toutes sortes d’engins ; voiture, train, pirogue, avion, draisienne, fusée, sous-marin, hors-bord, char d'assaut, voire même des destriers plus susceptibles et sauvages tels que cheval, dromadaire ou bison. Mais quand Tintin fait de la moto  - dans le Sceptre d'Ottokar – il ne fait pas vraiment preuve de maîtrise. Comme si Hergé voulait régler ses comptes avec Sexé, il ne lui laisse rarement l’occasion d’utiliser une bécane et quand il le fait, il l’envoie au tapis, ou plutôt dans les fossés comme un molar qui se reconnaîtra… 

On remarquera toutefois, pour appuyer la théorie de Jean-Paul Schulz que sa moto ressemble bougrement à une Gillet-Herstal, notamment dans la version redessinée peu après la seconde guerre mondiale.

Dans le film réalisé par Steven Spielberg en 2011 – Le secret de la Licorne – le réalisateur est plus sympa en lui faisant faire des cascades que bien peu de molars seraient capables d’exécuter.

  • https://youtu.be/_vA-ofL3Nnc

Merci Monsieur Spielberg !

 

 

Merci aussi Monsieur Hergé pour m’avoir fait rêver. Et pour terminer cette petite revue, quelques dessins qui présentent Tintin à moto. Le premier est tiré d’une bande annonce de Tintin en Amérique publié dans « Le Petit Vingtième » alors qu’ il n’enjambe jamais de moto dans l’album.

Quant aux autres, elles inaugurent la dernière des aventures de Tintin (les Picaros) et le présente rejoignant Moulinsart au guidon de ce qui semble être une petite 125, en tout cas, une moto bien sage, comme si Tintin avait vraiment vieilli. Une Honda peut-être… à moins que ce ne soit quoi ? Le débat est ouvert…


Kicks et Comics, octobre 2017

 

La moto dans une publication vouée à l’avion !

 

Pourquoi pas ce mariage improbable après tout. D’autant que le sujet est en relation directe avec le symbole des épousailles contre nature, à savoir le festival Wheels & Waves. Mais comme le dit l’auteur, « tout est question d’équilibre et de style »… Alors allons-y. Sauf qu’au bout du compte, ça n’apporte pas grand-chose au lecteur motard et que l’automobiliste lambda ou le passager Air France ne sera guère convaincu par l’attrait d’une manifestation telle que Wheels & Waves avec ce type de graphisme et ce discours lénifiant. Vous l’avez compris, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé. Mais bon, je n’ai jamais été convaincu par Simon Roussin, du moins lorsque il s’éloigne de l’illustration pure et ce, bien qu’il soit un auteur de bande dessinée confirmé, diplômé des Arts Décoratifs de Strasbourg en 2011. Il a quand même signé aux éditions L’employé du Moi  "Robin Hood", chez 2024,  "Prisonnier des glaces", qui est d’ailleurs plus de l’illustration qu’une BD, "Lemon Jefferson et la grande aventure" et "Heartbreak Valley",  aux éditions Magnani "Les Aventuriers" et "Le bandit au colt d’or", et enfin chez Cornelius "Barthélemy l’enfant sans âge".

 Il fait partie du studio Arts Factory mais surtout il est co-fondateur de la magnifique revue Nyctalope avec Marion Fayolle et Matthias Malingrëyet. Dernièrement, il s’est rendu célèbre en signant la dernière campagne Paris Plages. Mais bon, malgré ce que je vous en dis, faites-vous votre propre opinion avec cette petite publication car cette petite BD intitulée "La Grande équipée" est dans le dernier numéro d’Air France magazine daté d’octobre 2017. C’est gratuit et on peut le trouver dans tous les aéroports.

 

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